Depuis quelques années, une envie grandissante de consommer mieux pour notre santé et pour l’environnement émerge en France. Aujourd’hui plusieurs moyens existent afin de manger local, plus naturel et agir sur l’économie : les circuits courts de consommation.
Disposer de produits frais, rencontrer les producteurs, connaitre l’origine des produits que nous consommons, voilà plusieurs raisons qui aujourd’hui poussent de plus en plus les consommateurs à s’orienter vers des circuits courts de consommation.
Qui aujourd’hui ne cherche pas à consommer plus local pour des soucis de qualité ou pour des raisons éthiques. Selon une étude Ipsos « consommer local : ce que veulent les Français », 80% des consommateurs Français prétendent consommer local dont 41% le font souvent. Chacun en fonction de ses moyens tend à consommer plus local dans une société ou la surconsommation est omnipotente.
Nous pouvons alors nous demander comment aujourd’hui, ces circuits courts de consommation reconfigurent le lien entre les producteurs et les consommateurs ?
Qu’est-ce que sont les circuits courts de consommation?
Comment aujourd’hui peut-on définir les circuits courts de consommation ? En effet il en existe une multitude, tous ayant le même objectif mais sans utiliser les mêmes moyens. Comment donner une définition universelle des circuits courts sur le territoire français ? Selon la définition du Ministère de l’agriculture, un circuit court est un circuit de distribution impliquant 0 ou 1 intermédiaire entre le producteur agricole et le consommateur.
Le principe d’un circuit court est de proposer aux consommateurs des produits frais, locaux et naturels vendu par le producteur lui-même le plus souvent. Dans ces filières courtes, les producteurs maitrisent la production en globalité tout en valorisant leur travail.
Les circuits courts en vente directe sont le plus souvent le fruit d’un accord entre producteurs et consommateurs comme les AMAP, Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne. Dans ces AMAP il y a un engagement entre les deux parties. L’un doit assurer la production maraichère pour garantir la livraison de ses produits, c’est le producteur. L’autre doit assurer que son panier soit retiré chaque jour de livraison. Dans la région Franche-Comté nous pouvons illustrer cela grâce aux paniers de Cocagne, une AMAP basée à Chalezeule proposant un service de paniers de fruits et légumes de saison chaque semaine. Voici une vidéo expliquant les AMAP par Francoise FRABRE, benevole d’une AMAP.
Les circuits courts peuvent être aussi l’engagement d’un producteur, comme être présent sur les foires pour présenter ses produits, assurer un service de vente à la ferme de production ou encore se rendre aux marchés des communes pour y vendre les produits.
Les producteurs peuvent aussi se rassembler pour proposer une vente collective des produits afin d’amoindrir les couts pour chacun. On peut rencontrer ces formes d’association de producteurs sur les foires, dans les marchés paysans ou encore dans des points de vente collectifs qui se multiplient de plus en plus. Par exemple le magasin « Aux saveurs de la ferme » basé à Châtillon le Duc propose des produits bio de producteurs régionaux. Cela permet un vaste choix de produits locaux et naturels pour les consommateurs tout en garantissant la vente à un prix fixé par le producteur.
La création d’un lien nouveau
L’apport aux producteurs
Les circuits courts sont liés avec l’économie sociale et solidaire. Par exemple, les Jardins de Cocagne sont des exploitations maraîchères biologiques, dont la production est vendue localement sous forme de paniers et qui emploie des personnes en réinsertion professionnelle. Les consommateurs, à travers l’engagement pris, permettent à des personnes de retrouver une nouvelle vie en lien avec le travail, cela créée du lien social.
Dans l’article de H. BUSTOS de Transrural initiatives, on y découvre qu’une association de producteurs, l’Inpact (initiatives pour une agriculture citoyenne et territoriale) veut enclencher une transition grâce aux témoignages de différents agriculteurs de circuits courts. En effet, l’association regroupant les producteurs avait pour but initial d’orienter «… l’agriculture vers des systèmes de production qui permettent aux agriculteurs d’en vivre et d’être acteurs de leur propre développement, qui soit respectueux de l’environnement, soit basé sur des principes d’équité sociale et de solidarité planétaire… ». En bref, les agriculteurs adhérant à l’Inpact se sont entraidés pour produire de manière plus respectueuse de l’environnement, sans pesticides ni OGM.
L’interview de Emmanuel VIAUD, maraicher de l’AMAP d’Aubenas, réalisé par Fanny Métrat pour le journal agriculture paysanne montre que celui-ci adhère à une charte d’agriculture paysanne pour garantir une production locale aux consommateurs et qui garantit une culture eco-friendly. Grace à cette charte c’est le producteur qui s’engage à livrer des produits de qualité et le consommateur à s’informer de la charte et donc des conditions de production.
Les producteurs peuvent, grâce aux circuits courts, augmenter leur qualité de vie et leurs compétences ainsi que mettre l’entourage proche à contribution du projet. Mais l’attrait le plus intéressant pour le producteur aujourd’hui est sans doute pouvoir avoir l’avis des clients en retour ainsi que d’acquérir une réputation sur la qualité des produits et une reconnaissance des clients.
Donc, dans les circuits courts les producteurs sont amenés à adhérer à des associations ou à des chartes pour que leur travail puisse être garanti lors de la vente. Cela permet au consommateur de pouvoir avoir confiance et de garantir la qualité des produits qu’il peut consommer.
L’apport aux consommateurs
Le plus souvent, les consommateurs ont des revenus supérieurs à la moyenne mais il n’y a pas de profil d’âge type. En effet, les étudiants comme les personnes âgées consomment grâce à des circuits courts. Ces consommateurs sont attirés par certains aspects spécifiques aux circuits courts comme avoir accès à des produits frais et de qualité. L’aspect pratique est souvent mis en avant ainsi que l’offre des circuits courts qui permet un large choix. Les consommateurs sont aussi attirés par les circuits courts grâce au lien que le producteur tisse avec eux, cela permet une relation de confiance entre les deux. En effet comme nous le montre l’article N. Nahapetian « consommer local et langer mieux » issu du magazine Alternatives Economiques, l’AMAP Les Monstrueux du Marivel, a été créée « …afin de permettre aux agriculteurs d’être mieux rémunérés et aux consommateurs d’avoir accès à des produits de meilleure qualité… ». Cela met d’autant plus en avant l’existence d’une coopération, en quelques sortes, entre producteurs et consommateurs.
Néanmoins les circuits courts peuvent rebuter certains consommateurs notamment à cause des prix des produits proposés qui sont plus élevés qu’en supermarchés car ils sont fixés par les producteurs. Cependant la concurrence grandit et le marché devient compétitif. Les prix essaient de s’adapter à tous, afin de toucher le plus grand nombre de personnes, de toutes classes sociales. En faisant cela les producteurs essaient de faire prendre conscience à une bonne partie de la population en les incitant à consommer localement, de meilleure qualité, tout en respectant l’environnement.
Voici une vidéo montrant les points positifs des AMAP pour les producteurs et les consommateurs. Reportage par GrandLille.Tv
La création d’un lien de confiance
Les circuits courts à travers la proximité et la qualité sont créateurs d’impact sur l’économie locale et sur la vie locale. En effet ils permettent le développement d’une économie à l’échelle du circuit et aussi l’emploi de plusieurs personnes sur les sites de productions. Les consommateurs se sentent donc acteurs de l’économie locale, et le producteur cherche aussi à fidéliser ses clients. La participation des consommateurs a donc un intérêt collectif.
Socialement, les enjeux sont tout aussi importants car ils permettent la revalorisation des métiers agricoles et mettent en avant leurs importances quand à la contribution à la sauvegarde de l’environnement. Les circuits courts forgent aussi une nouvelle dynamique aux territoires : beaucoup de gens sont impliqués dans ces circuits.
Entre professionnels, les circuits courts ont un aspect bénéfique : les relations entre producteurs sont largement accrues, ils coopèrent plus facilement entre eux et partagent leurs compétences.
Les circuits courts permettent aux gens de se sensibiliser quant à leur alimentation et consommation habituelle, ces dernières années on assiste à une prise de conscience de la part de plus en plus de consommateurs face aux solutions qu’apporte les circuits courts aux problèmes environnementaux et sociaux ainsi que leur contribution à l’économie des territoires.
Dans l’interview de Emmanuel Viaud par Fanny Métrat, le maraicher parle du lien qu’il entretient avec les consommateurs de l’AMAP. Il évoque un lien « détendu et sympa » par lequel il en « profite pour faire connaitre [les] réalités du métier ». Ce lien et ces discussions permettent selon lui de faire prendre conscience aux consommateurs que la production dépend aussi de facteurs externes comme les saisons ou la météo. Le consommateur est donc informé sur ce métier et il prend conscience qu’il peut agir à son niveau.
Les enjeux des circuits courts
Les circuits courts adaptés à chacun
Grâce à tout cela, de nouvelles ‘qualifications’ de consommateurs ont émergées, comme les freegans et les locavores.
Nous pouvons remarquer que les circuits courts amènent les consommateurs à découvrir, s’informer, et réagir à des problèmes de société. Selon A-C RENARD, c’est une « Solution pour réduire l’empreinte écologique selon la WWF » en optant « pour un régime Flexitarien avec moins de viande, de poisson, de produits transformés ou raffinés mais avec plus de légumes et de céréales, ainsi que lutter contre le gaspillage alimentaire, consommer bio et acheter des produits locaux de saison ». Changer ses habitudes n’est pas chose simple mais si nous voulons agir pour notre environnement et pour l’économie locale il faut s’alimenter autrement.
Par exemple, le freeganisme est un mode de vie alternatif qui consiste à consommer principalement ce qui est gratuit et végane, à créer des réseaux d’entraide qui facilitent ce choix afin de dénoncer le gaspillage alimentaire et la pollution générés par les déchets. Comme il est dit dans l’article « les produits et circuits alternatifs bousculent les codes » de A-C RENARD du magazine Revue Laitière Française d’octobre et selon Béatrice de Reynal (experte) : « En s’intéressant à la nutrition ils (les consommateurs) ont pu découvrir que oui, nous mangions trop de viande. C’est cette conscience prise par les consommateurs qui amènent certaines personnes à devenir végane c’est à dire exclure les produits d’origine animale de sa consommation. ». Mais alors en quoi les freegans peuvent-ils être convaincus par les circuits courts ? Tout simplement les circuits courts proposent plus de produits frais avec moins d’emballages, tout en maintenant un environnement de production naturel.
De plus les locavores sont eux, des consommateurs qui privilégient une consommation locale, des produits frais et de saison, limitent le gaspillage alimentaire, ils essayent de favoriser le maintien des populations et de l’agriculture sur le territoire. Ces locavores aident surtout les petits producteurs locaux voulant exploiter leurs ressources tout en amenant une mise en valeur de leurs territoires par leur profession. Les locavores sont des consommateurs attendant des réponses aux questions de transparences, de démarches responsables et de naturalité, et c’est grâce à ces circuits courts que toutes leurs attentes sont comblées. Donc les locavores sont les principaux consommateurs des circuits courts et certains d’entre eux vont jusqu’à ouvrir des magasins dit « Vrac » qui propose des produits de qualité locaux en produisant le moins de déchets possibles (emballages, vente de produits réutilisables…). Selon London Business Fundation, un dollar ou un euro investi dans une économie locale comme un circuit court permet de générer le double en revenus.
Les circuits courts n’ont pas été inventés pour satisfaire des régimes alimentaires, il y a d’autres enjeux sur la table.
Les véritables enjeux des circuits courts
Aujourd’hui les circuits courts doivent être structurés pour pouvoir s’adapter à la demande grandissante. Le producteur doit être rassuré et accompagné pour étendre son offre aux familles à revenus plus modestes ainsi que d’économiser ou de partager les couts de distribution comme le fait l’association Biolait en regroupant le lait des éleveurs afin d’assurer l’indépendance des producteurs face aux grands groupes.
Mais les circuits courts n’atteindront pas leurs objectifs sans un panel de consommateurs grandissant. Pour cela c’est aux consommateurs déjà convertis que revient la tâche de convaincre leur entourage. Les habitudes de consommation doivent changer, nous devons apprendre à manger différemment de ce que nous connaissons pour migrer vers une consommation responsable et locale, moins polluante pour l’environnement et donc plus durable. D’autre part, des politiques de consommation pourraient être misent en place par les mairies afin de toucher plus de consommateurs potentiels comme il est déjà le cas dans certains départements comme la Loire où les agriculteurs des circuits courts sont accompagnés « de l’installation du projet jusqu’à la commercialisation » selon les dires de Chantal BROSSE la vice-présidente chargée de l’agriculture.
Le maraicher E. Viaud désire de son côté ouvrir son AMAP aux gens à revenus plus faibles que les classes moyennes, tout en garantissant l’aspect solidaire de départ.
Conclusion
Aujourd’hui, consommer local a donc une influence sur l’économie locale, mais consommer par les circuits courts n’est pas accessible à tous. Pourtant de plus en plus de projets pour rendre accessibles ces circuits aux revenus les plus faibles sont en train d’être créés.
Aujourd’hui la question d’un label « circuits courts » se répand. Comment éviter les fraudes ou les arnaques aux consommateurs ? Plusieurs labels ou chartes sont déjà mis en place mais rien n’est défini au niveau national.
Aujourd’hui de plus en plus de projet de circuits courts ou d’agricultures solidaires émergent, il suffit de regarder autour de nos communes pour nous rendre compte que la consommation est en train de changer. A nous de ne pas rater le train !
GIGON-VEYA Théo
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