Depuis le début des années 1980, «la question des banlieues » est au cœur de l’actualité. D’avantage touchés par les inégalités et le chômage, les jeunes des quartiers sont considérés par les institutions et les politiques comme une véritable fracture sociale. Ainsi l’incivilité et la délinquance des jeunes remet en cause les sociabilités les plus élémentaires.
On peut alors se demander en quoi les jeunes des « quartiers » ont une identité et une culture spécifiques par rapport aux autres jeunes.
Après avoir défini le terme de « jeunes des cités », nous nous pencherons sur la dimension essentielle de leur identité entre sentiment d’appartenance et clivage masculin et féminin. Puis nous nous intéresserons à la culture des banlieues.
« Jeunes des cités », une dénomination complexe
Pour une majorité de Français, la représentation de la conception ordinaire du « jeune de banlieue » reste floue. La vision réductrice des quartiers populaires comme étant des zones d’insécurité, de délinquance, de trafic de drogue stigmatise une jeunesse peu diplômée, fragilisée par le chômage et les contrats précaires …
En effet, cette désignation ne correspond pas à un groupe d’individus parfaitement déterminé. Bien que la représentation populaire et médiatique du « jeune de banlieue » soit relativement négative, il est difficile de réaliser une catégorisation. La jeunesse des quartiers populaires est fréquemment confondue avec des groupes de jeunes en extrême difficulté et en rupture avec la société, qui ne représentent pourtant qu’une minorité. Tous les quartiers populaires se sont pas nécessairement en difficulté et toutes les banlieues ne sont pas populaires.
« La cité, une dimension essentielle de leur identité, entre sentiment d’appartenance et d’attachement »
Le quartier a beau être un lieu de stigmatisation et de ségrégation, il donne lieu aussi à un très vif sentiment d’attachement. Le quartier représente une communauté soudée formant un refuge protecteur contre le monde extérieur. Pour les jeunes, il représente leur racine, leur histoire, leur expérience. « Ici on se connait tous, on n’est jamais tout seul. Quand je serai plus vieille, j’espère bien rester dans mon quartier. C’est là où je me sens le mieux, même si je sais qu’on a mauvaise réputation » Arwen, 14ans, Journal Le Parisien. Cet attachement particulier témoigne d’une grande sociabilité, spécifique des adolescents des cités. Il est décrit comme un lieu unique dominé par la solidarité et la protection. En effet d’après le sociologue Serge Pagaum, ce quartier, même stigmatisé les protège. C’est un refuge où le lien social est très fort. Aussi les adolescents transforment l’espace public de leur cité en un véritable espace privé. Le quartier constitue donc un point d’ancrage à leur identité : figure de protection mais aussi d’enfermement.
« Un clivage masculin/féminin »
Au sein des banlieues, les filles et les garçons n’occupent pas la même place. Le statut des jeunes filles dans les quartiers est donc problématique. Elles subissent en effet les violences sexistes, les agressions verbales voire mêmes physiques. Le quartier prônant un territoire de protection et d’assurance, les garçons manifestent publiquement et ouvertement leur masculinité renforçant ce clivage masculin/féminin. Cette séparation des espaces et des sexes constitue un enjeu de pouvoir. Les filles à l’image « non irréprochable », qui ne collent pas « aux normes » imposées par les garçons subissent une violence quotidienne et injures verbales.
« Jeunesse et culture urbaine »
La vie dans les cités est rythmée par la présence de diverses formes culturelles. La culture Hip- Hop est née à New-York aux Etats Unis dans un contexte socio-économique précaire ciblant les populations Afro et Latino-Américaines. L’art en musique était la solution pacifique pour faire passer des messages politiques. Aujourd’hui dans les banlieues, il est à l’origine d’un véritable mouvement culturel. Le hip-hop devient, dans l’imaginaire collectif, le porte-parole d’une culture des banlieues, le mode d’expression des quartiers pauvres, bien que diffusé à l’échelle de la société. Le rap, en particulier, est un vecteur identitaire par sa dimension contestataire qui trouve son origine dans la colère et le sentiment de discrimination.

Ademo et N.O.S, les deux frères rappeurs constituant le groupe PNL image disponible sur https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/2/2b/Pnl_wikipedia.png
Le monde de la cité tel que le décrit Thomas Sauvadet, sociologue pourrait être vu tantôt comme une « jungle » – marquée par la désorganisation sociale, le chômage, la précarité, la déstructuration familiale –, tantôt comme un « village » – avec ses réseaux d’alliance, de solidarité et sa culture –, tantôt comme un business où règnent les lois d’un capitalisme sauvage et brutal, où l’on ne se fait aucun cadeau.
Par Lanfumey Anaïs et Tirole Bérénice
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